*** PREMIERS TRESORS ***

 

Petit déjà, je me souviens bien de la fascination qu'exerçaient sur moi toutes les verroteries d'ornement que je retirais du sol attenant au... cimetière.

Bien plus tard, à l'occasion d'une visite à la jolie gardienne du refuge de Léchaux; d'énormes cristaux étaient posés sur la table extérieure.

Cette même année, on ne parlait que de ça. Un gros four audacieusement exploité par des Suisses venus du ciel. Les deux guides des Grizons qui sont là ne manquent pas de provoquer ma curiosité. "C'est vous l'équipe des Grandes Jorasses?" En guise de réponse, ces messieurs m'emmnèrent le lendemain, loin au dessus, sur le terrrain de leur découverte. Je crus ce jour-là n'avoir jamais autant marché de ma vie!...

Peu après, Stéphane l'ami de Véronique, excellent grimpeur, me propose l'ascension du couloir de l'Aiguille de l'Eboulement; 600 mètres de neige dure et raide. Crispé sur mon unique piolet "720 Simond" je commençais à comprendre ce que concentration signifie. Avant d'aborder le couloir, je remarque un cône de neige comme un escalier évident vers un surplomb de la paroi.

Là, brillaient dans la lumière du matin des plaques de cristaux tellement fumées qu'elles en étaient violettes. Tout heureux, j'y revins bien vite accompagné de Gaston avec qui je réparais les refuges pour la première année. Entre la neige et le roc 20 mètres de vide que je considérais comme affreux. Je plante maladroitement les trois petits pitons jaunes que m'avaient donnés les guides en guise d'adieu. Enfin sécurisé, je découvre avec une joie intense mon premier four! Les plaques de quartz s'offraient là scintillantes sous le soleil; détachées de la roche mère, comme endormies sur leur richelimon aux couleurs de terre. Après cela, je parcourus les alentours du refuge sans relâche. Tous les couloirs n'avaient plus de secret pour moi. Je trouvais encore de beaux cristaux transparents qui font la réputation du secteur. Mieux encore, quelques fours nichés à 10 mètres au-dessus du glacier sentaient l'invite à plein nez.

Il y en avait un, en particulier, qui semblait inaccessible comme l'oeil du Cyclope.

Pierre François dit PF m'assure. A la vérité il tient sa cigarette d'une main et la corde de l'autre.

Avec bien des contorsions je commence à planter les pitons.

Je me tire dessus de la façon la plus inesthétique qui soit pour arriver à la hauteur du Trou... le dos à la paroi!

Assurance? je ne sais plus comment, rocher lisse, tout raide! Adrénaline garantie!

Enfin mon avant bras passe tout tremblant dans le four.

Imaginez un gros bénitier bouché de sable fin d'un vert intense. Je retire quatre beaux peignes épais comme la main et fort limpides. Avec cela, un cristal "flottant" en forme d'hélice.

Puis, ce fut un mot laissé par Dominique dans le livre du refuge: "Serge! je t'attends dans le grand couloir des Périades!"

Je n'oublierais jamais cet instant où je vis mon "Domi" perché là-haut, ni la première nuit de bivouac à me geler dans mon sac de flanelle; fauché à tel point à l'époque, que j'imaginais mal le confort d'un sac en duvet.

"Cul et chemise!" me disait Patrick Valençant contant sa dernière sortie avec Jean-Marc Boivin.

La suite, vous la connaissez; (à la lecture de mes anciens articles) de nombreuses années à arpenter nos montagnes avec ce vieux loup solitaire qu'est Dominique.

Pas de menteries dans ces lieux, on rencontre toujours sa propre densité. Comme exemple un Nicolas Vanier pour me faire comprendre son "urgence" à découvrir les terres sauvages de la plus noble façon m'émeut complètement.

Sa quête n'est-elle pas, en elle-même, le plus beau Trésor?


Sergio Bladet - Pâques 1999


 

 

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